Chloé Fesch, éducatrice canin chez Nature de Chien : « Adopter un chien, c’est découvrir une nouvelle espèce »

Au fil du temps, le statut du chien a considérablement évolué. Aujourd’hui, il joue un rôle important dans nos vies en tant que membre à part entière de la famille. Chloé Fesch, éducatrice et comportementaliste canin chez Nature de Chien, apporte son éclairage sur la place que « le meilleur ami de l’Homme » tient dans la société. Entretien.

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À quels problèmes de comportement êtes-vous le plus souvent confrontée ?

Je constate principalement des soucis de compréhension entre le maître et le chien. Ce dernier a des besoins et une manière spécifique d’apprendre, que son propriétaire ne connaît pas forcément.

Par conséquent, il ne réussit pas à se faire écouter de son animal. Il n’y a pas de connexion entre les 2. Outre les problèmes d’éducation, j’en observe régulièrement au niveau du comportement, comme la malpropreté, la destruction ou encore les aboiements intempestifs.

Le statut du chien a énormément évolué. Aujourd’hui, quelle place tient-il dans notre vie ?

Nous avons domestiqué l’ancêtre du chien pour qu’il nous rende service. Il nous a secondés pour la chasse, la protection ou encore les déplacements. Aujourd’hui, nous lui demandons simplement de nous tenir compagnie. Cela peut être une forme de « transfert affectif », car le chien nous aide à nous sentir mieux. Plusieurs études ont démontré qu’il évite la solitude et la dépression, mais facilite le lien social. Considéré désormais comme un membre à part entière de la famille, nous l’aimons.

Là où le bât blesse, c’est quand une personne adopte un chien qui a été sélectionné pour une utilité bien spécifique, mais qu’elle lui demande de ne rien faire. J’appelle cela un « chien au chômage ». En somme, une véritable problématique se pose lorsque l’humain a une attente à laquelle son animal ne peut répondre.

Le chien de berger, par exemple, a besoin d’être stimulé et de dépenser beaucoup d’énergie. Très rapide dans ses apprentissages, il peut vite apprendre des bêtises si son maître ne fait pas attention. Ce chien peut détourner des comportements instinctifs, comme la garde de troupeau, dans des situations de la vie quotidienne – pendant les balades, notamment – si son adoptant ne lui apprend pas. L’animal trouve, en quelque sorte, une solution à son problème.

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© Chloé Fesch / Nature de Chien

Nous observons également une évolution des méthodes d’éducation canine. Comment un éducateur canin peut-il aider les chiens à s’intégrer dans notre société ?

Le rôle de l’éducateur canin est de faire le lien entre le chien et le maître, afin que ce dernier le comprenne et s’y adapte. Son objectif est de rendre le propriétaire autonome.

Le chien a besoin que nous le « traitions comme un chien », dans le sens où nous devons éviter l’anthropomorphisme. C’est pourquoi le professionnel explique au maître comment son compagnon à 4 pattes fonctionne et apprend, mais aussi ce dont il a besoin. La compréhension permet l’adaptation.

Nous qualifions souvent les éducateurs canins de « coachs », car il y a une idée de motivation et de mise en pratique avec les maîtres. À la fin, ils savent vivre avec leur chien. L’éducation d’un tel animal n’est pas innée.

Quelle méthode d’éducation canine préconisez-vous ?

J’ai commencé, il y a 13 ans, en méthode coercitive. On m’a appris à dominer un chien et à utiliser des outils, comme le collier étrangleur. Par la suite, je me suis complètement détachée de cette approche. J’ai compris que notre façon de percevoir le chien dépend de nos connaissances. Nous interprétons ce que nous voyons en fonction de ce que nous connaissons. Il faut se tenir informé, notamment sur les mécanismes d’apprentissage.

Avec l’éducation positive, nous apprenons au chien en respectant son état émotionnel. Nous atteignons notre objectif par le biais d’une méthode adaptée à l’animal et à sa sensibilité. En somme, en tant qu’éducatrice canin, j’apprends aux humains à développer leur capacité d’empathie.

Comme expliqué précédemment, les chiens sont désormais des membres de la famille. Dès lors que nous aimons un individu, que ce soit un animal ou un humain, nous ne désirons pas le voir ressentir des émotions négatives, même si nous voulons que son comportement change.

Beaucoup de villes n’accordent pas une grande place à nos compagnons à 4 pattes. Pourtant, ils partagent le quotidien de nombreux citadins. Quels conseils donnez-vous aux propriétaires pour bien vivre avec leurs chiens en zone urbaine ?

Premièrement, il faut adopter le bon chien. En règle générale, les maîtres ne peuvent pas lâcher leur animal facilement dans les villes. Il y a également beaucoup de stimulations : des bruits, des gens, des congénères. Certaines lignées de chiens sont plus sensibles que d’autres, comme le Chien Loup de Saarlos.

Ensuite, la socialisation de l’animal s’avère importante dès son plus jeune âge. Puis, il convient de lui proposer des exercices pour qu’il puisse « faire sa vie de chien ». Par exemple, c’est bien de le laisser sentir les odeurs – très nombreuses en ville – au cours des balades. Il en a besoin.

Comme d’autres propriétaires se promènent avec leurs chiens, il est aussi nécessaire d’apprendre le plus tôt possible à son animal de garder ses distances – car une telle rencontre peut les irriter – ; ou lui enseigner un signe indiquant qu’il souhaite mettre un terme à ce contact.

Enfin, de nombreux citadins estiment qu’ils ne peuvent accueillir un chien en appartement. Je pense que ce n’est pas un problème, parfois c’est même mieux car cela oblige le maître à le sortir. Peu importe que le chien vive dans un domicile avec ou sans jardin, du moment qu’il se dépense et se promène tous les jours.

L’éducation du chien passe-t-elle aussi par l’éducation du maître ? Comment ces derniers peuvent-ils défendre sa place dans la société ?

L’éducation du maître se révèle être importante, car il vit avec son chien. Il doit suivre un apprentissage pour aider son animal à changer de comportement, mais aussi pour communiquer correctement avec lui.

Je dis souvent qu’adopter un chien, c’est découvrir une nouvelle espèce. En accueillant un animal, le maître discerne ses besoins, travaille pour mieux le comprendre et s’adapter à lui afin qu’ils soient le plus heureux possible ensemble.

C’est très intéressant quand les humains deviennent passionnés par l’éducation canine – sans forcément en faire leur métier ! Ils découvrent un vrai plaisir à être avec leur compagnon à 4 pattes et à l’éduquer. Une fois qu’ils ont appris les choses à faire et ne pas faire, ils les communiquent à d’autres propriétaires. Ce sont des acteurs, qui font changer les mentalités.

Nous entendons de plus en plus parler du « pets at work », soit la possibilité d’amener les animaux de compagnie sur le lieu de travail. C’est aussi une manière de faire évoluer leur place dans la société. En tant qu’éducatrice canin, quels sont vos « petits trucs et astuces » pour réussir l'intégration d'un chien dans un environnement professionnel ?

Dès qu’il est chiot, il faut l’emmener dans des environnements similaires à notre lieu de travail, notamment pour le socialiser. Par exemple, le maître peut le sortir en ville, dans un environnement assez riche, où il croisera des personnes différentes.

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Pour habituer l’animal au quotidien du bureau, je conseille aussi d’avoir recours à ce que j’appelle la « happy zone ». Il s’agit d’une couchette (une couverture ou un panier), que nous pouvons facilement installer hors de la maison, et qui permet au chien de se poser. C’est son petit repère rien qu’à lui.

En outre, il convient de le dépenser lors d’une balade, avant qu’il arrive au travail. Pour l’occuper dans la journée, j’invite le propriétaire à laisser des jouets à sa disposition, comme des KONG fourrés ou des objets de mastication.

Comme la place du chien a considérablement évolué dans notre société, sa relation avec l'Homme est très étroite aujourd’hui. Nombre de propriétaires peuvent sombrer dans l’anthropomorphisme. Pourquoi cette humanisation de l’animal n’est-elle pas forcément bénéfique ?

Je pense que c’est important de comprendre pourquoi il y a de l’anthropomorphisme, qui se définit par le fait d’attribuer des caractéristiques humaines à quelque chose qui ne l’est pas. Notre interprétation du comportement de l’animal dépend de ce que nous savons. Cette connaissance peut provenir des films, des apprentissages plus ou moins conscients, voire de ce que nos parents racontaient.

Un exemple flagrant d’anthropomorphisme problématique ? Dire que son chien est têtu ! C’est très facile de lui coller cette étiquette, quand il n’écoute pas. Or, ce n’est pas souhaitable, parce que cela nous amène à interpréter faussement une situation avec toutes les dérives qui suivent.

Si un chien réagit ainsi, c’est qu’il n’a pas appris. Certains effectueront parfaitement l’ordre « pas bouger » à la maison, mais pas à l’extérieur. C’est un apprentissage qui doit être généralisé pour être acquis. En outre, le niveau de la demande peut se révéler être trop compliqué pour l’animal.

C’est pour cela qu’il est nécessaire de comprendre son chien, afin d’adopter la bonne réaction vis-à-vis de lui. Si nous le comprenons tel qu’il est, notre manière de fonctionner sera plus adaptée à lui. Nous devons conserver un certain équilibre, c’est-à-dire que nous devons aimer notre chien et vouloir le rendre heureux, mais aussi prendre en compte son point de vue d’être vivant doué de sensibilité.

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