Entretien avec la musheuse Elsa Borgey : « Mes chiens sont mes amis, mes confidents et mes partenaires d’aventures »

Elsa Borgey mène une vie qui a du chien. Grande amoureuse de la gent canine et passionnée de mushing, elle a décroché le titre de championne de France de traîneau à chiens dans la catégorie mi-distance en 2022. Cette année, elle a gravi la troisième marche du podium lors de La Grande Odyssée VVF. Interviewée par l’équipe rédactionnelle de Woopets, Elsa Borgey revient sur cette expérience incroyable et partage son quotidien auprès de ses partenaires d’aventures au poil.

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D'où vient votre passion pour les chiens de traîneau ?

Ma passion pour le mushing est née durant mon enfance. J’ai grandi entourée de chiens, et c’est lors d’un séjour aux sports d'hiver en Haute-Savoie que je suis tombée amoureuse des chiens de traîneau.

À l’âge de 13 ans, mes parents m’ont offert mon premier Husky Sibérien, avec lequel j’ai découvert les mono-activités canines. J’ai notamment fait du cani-cross pendant 7 ans. En 1998, après 2 ans de pratique, je suis devenue championne de France dans la catégorie « junior ».

Comment êtes-vous devenue musheuse professionnelle ?

Au fil des années, j’ai adopté d’autres chiens d’attelage. Après avoir travaillé 6 ans en laboratoire, j’ai suivi une formation permettant d’encadrer toutes les activités avec les chiens de traîneau et obtenu un DEJEPS (diplôme d'État de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport). Au cours de cette période, j’ai rencontré mon mari, Frédéric, qui était directeur de l’École française de mushing.

Par la suite, nous avons fondé notre société de mushing. Nous avons également créé un concept en 2014, le baby traîneau, axé sur l’enseignement du traîneau à chien pour les enfants à partir de 3 ans. Personne n’avait eu cette idée auparavant, et nous avons démontré que c’était possible.

Quelques années plus tard, l’envie de reprendre la compétition a commencé à me démanger. Dominique Grandjean m’a alors inscrite à la Lekkarod, course internationale de traîneaux à chiens dont il est le cofondateur. Mon époux, qui a été en équipe de France pendant une dizaine d’années et président de la Fédération française des sports de traîneau, m’a aidée à constituer un attelage. Nous avons sélectionné les 6 meilleurs chiens de notre chenil pour les entraîner à la Lekkarod. C’est ainsi que j’ai remis le pied à l’étrier.

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Elsa Borgey et son mari Frédéric / © La Grande Odyssée – Benoit Diacre

Quelle relation partagez-vous avec vos chiens ?

Les chiens sont au cœur de mon métier et de ma passion depuis 30 ans. Ils sont ma vie, et je ressens un manque lorsqu’ils sont loin de moi. Certains clients me font remarquer que je ne prends jamais de vacances. Nous pouvons partir quelques jours, mais je m’ennuie rapidement, car j’ai besoin d’être auprès de mes chiens. Ce sont mes amis, mes confidents et mes partenaires d’aventures.

Il faut savoir que nous tenons un chenil comprenant 77 chiens à l’heure actuelle : les jeunes, les actifs et les retraités, qui bénéficient d’un grand parc leur permettant de conserver de la motricité. Pour nous, c’est une évidence de garder tous nos chiens et de les accompagner du début à la fin.

Vous avez participé à La Grande Odyssée VVF pour la troisième année consécutive. Lors du prologue à Megève, présenté par Royal Canin, vous êtes arrivée troisième. Pouvez-vous nous expliquer l’intérêt de cette étape ?

Même s’il ne compte pas pour le classement général, le prologue de La Grande Odyssée s’avère très important. Je considère souvent la course comme un spectacle, où les mushers donnent tout. Le prologue correspond, en quelque sorte, à la répétition générale. Ce jour-là, nous pouvons effectuer des ajustements ou tester des combinaisons de chiens que nous voudrions valider.

De plus, il permet à l’équipe de se mettre en marche. Celle-ci réunit le musher, les chiens de traîneau et tous les professionnels qui les accompagnent. De mon côté, elle comprenait non seulement Frédéric, l’élément indispensable à la gestion de la performance au quotidien ; mais aussi 2 handlers spécialisés en ostéopathie animale et une community manager qui gérait la communication nécessaire à nos sponsors.

Vous avez également atteint la troisième place du podium au terme de cette 20e édition de La Grande Odyssée VVF. Que ressentez-vous et que retenez-vous de cette expérience ?

Cette 20e édition était spéciale et très importante à nos yeux. Chez nous, le chien est une histoire de famille. Le papa de mon mari, éducateur canin et juge de La Grande Odyssée, nous a quittés un an plus tôt. Il n’y a pas eu une seule étape durant laquelle nous n’avons pas pensé à lui. Cette course a été réalisée en sa mémoire, et atteindre le podium était un challenge pour lui rendre hommage.

N'importe qui serait ravi de cette 3e place, mais je regrette quand même la 2e marche. J’ai fait des choix stratégiques qui auraient pu être améliorés. Dans l’ensemble, nous restons particulièrement contents de ce résultat, car c’était ma première participation en « Open » [entre 6 et 12 chiens par traîneau]. Les 2 années précédentes, j’ai concouru dans la catégorie « Limited » [maximum 6 chiens attelés par jour].

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© La Grande Odyssée VVF

Pouvez-vous nous présenter les chiens qui vous ont accompagnée lors de La Grande Odyssée VVF ?

Mon attelage, composé de Scandinavian Hounds, mélangeait des chiens expérimentés avec des cadets. J’ai placé 2 jeunes chiennes en tête, Hope et Jaina. Elles ont dû mener l’attelage pour la première fois sans chienne expérimentée à leurs côtés. Il faut savoir que les chiens de tête ont une énorme responsabilité, car ils transmettent l’impulsion et le rythme à leurs compagnons. Derrière elles se tenaient Pixie, Fanny, Saga, Norwe, Rudy, Spérone, Sisko et Micmac.

J’ai également emmené Alaska, mon « joker ». Âgée de 7 ans, je ne pouvais pas lui demander de faire l’ensemble de la course. Elle a donc participé au prologue à côté de Jaina, et aux étapes ne comptant pas pour le classement général. Le règlement nous autorise effectivement à prendre des chiens accompagnateurs, qui font les étapes non chronométrées pour permettre aux chiens de course de se reposer.

Vous avez dit vous occuper de 77 chiens au quotidien. En comparaison avec un chien de compagnie, comment élève-t-on un chien de traîneau ?

L’éducation d’un chien de traîneau n’est pas si différente de celle d’un chien de compagnie. À partir du moment où le chien sait attendre dans le calme lorsque nous lui apportons sa gamelle, nous le considérons capable d’apprendre de nouvelles consignes et de les écouter. Nous lui enseignons ainsi les ordres de base, comme « assis » ou la marche en laisse.

En raison du grand nombre de chiens dont nous nous occupons, nous sommes très à cheval sur la discipline. Ils doivent respecter les règles tout le temps, notamment pour éviter les débordements. Si l’un d’entre eux fait une bêtise, je cite son nom et le réprimande. Par contre, je le récompense en cas de bonne action.

La cohérence demeure essentielle dans l’éducation du chien, et l’anthropomorphisme est à bannir. Beaucoup de personnes réfléchissent comme un humain, non comme un chien, alors que c’est important de se mettre à sa portée intellectuelle.

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© La Grande Odyssée – FX Repellin

Utilisez-vous un vocabulaire spécifique avec vos compagnons d’attelage ?

Nous apprenons des mots brefs à nos chiens de traîneau. Pour les diriger à droite, nous employons « gee » ; et à gauche « haw ». Pour les arrêter, nous prononçons « stay » ou « reste ». Ainsi, notre attelage ne s’arrête pas si un autre musher s’écrie « stop ». Enfin, le terme « ok » revient souvent pour dire que tout va bien.

Comment vous entrainez-vous pour participer à une course comme La Grande Odyssée VVF ?

Je délègue la préparation des chiens de traîneau à mon mari, car il sait les observer et a les compétences nécessaires pour établir des programmes adaptés. Il fractionne l’année en périodes d’entraînement basées sur l’endurance, la vitesse ou encore la puissance.

Aussi, l’alimentation joue un rôle majeur dans la préparation physique des chiens. Nous avons fait le choix, avec mon époux, de les nourrir avec les croquettes de la gamme 4 800 de Royal Canin, car leur apport énergétique est adapté à leurs besoins. Nous leur fournissons également des compléments alimentaires du laboratoire Greenvet.

En ce qui me concerne, je fais confiance à un préparateur physique. Il met en place des programmes à la semaine. Après chaque sortie, je l’informe de mon temps, de mon niveau de fatigue et de mon ressenti global pour lui permettre d’adapter les entraînements.

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© La Grande Odyssée – FX Repellin

Avez-vous une anecdote sur vos chiens, qui vous a marquée lors de La Grande Odyssée VVF 2024 ?

En premier lieu, je citerai la révélation de mes 2 jeunes chiennes de tête, Hope et Jaina. J’ai été époustouflée par leurs capacités. Elles ont fini d’être formées durant la course, et ont été bien au-delà de mes espérances.

Sisko m’a fortement marquée aussi. Il a fait tout son possible, mais n’avait pas vraiment le niveau. Sur l’étape du bivouac (45 km), j’ai dû l’installer dans mon traîneau, car il était fatigué. Sauf que notre ami Sisko a ajouté une charge de 30 kg !

Pour la petite anecdote, il aimait sortir la tête de sous la couverture et regarder le public. C’était, en quelque sorte, notre mascotte !

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