Entretien avec les coachs du chien Kodi, vainqueur de la Palm Dog Woopets 2024 : « Laetitia Dosch est tout de suite devenue fan de lui »
Kodi, tête d’affiche du film « Le Procès du chien » de Laetitia Dosch, a remporté la Palm Dog Woopets 2024. Vendredi dernier, l’acteur canin a fièrement déambulé sur le tapis rouge de Cannes pour récupérer son prix. Le croisé Griffon a tout d’une grande star ! Désireuse d’en savoir plus sur sa participation au tournage, notre rédaction a interviewé ses coachs Juliette Roux-Merveille et Manuel Thomas. Membres phares de la compagnie Dog Trainer, ils entraînent des animaux pour le théâtre, le spectacle de rue, le cinéma et l’événementiel en plaçant leur bien-être au centre de leurs préoccupations.
Pouvez-vous présenter la compagnie Dog Trainer à la communauté de Woopets ?
Manuel Thomas (M. T.) : fondé dans les années 1990 par mon père, Daniel Thomas, Dog Trainer faisait partie des premiers centres d’éducation canine à l’époque. Quand j’ai repris le flambeau, on s’est spécialisé dans la formation des animaux au spectacle, au cinéma et à l’événementiel. À travers ce choix, je voulais amener une dimension artistique et délivrer des messages forts, notamment sur notre rapport aux animaux.
Concrètement, la mission de Dog Trainer est de promouvoir la création et la recherche en art cynotechnique contemporain. Le chien est au centre de notre travail, mais on réalise également des spectacles avec des oies et des moutons. Notre grande particularité ? On travaille avec nos propres animaux, en respectant notre éthique, nos valeurs et leur bien-être.
Vous êtes « coachs pour chien-acteur », un métier dont on entend peu parler. En quoi consiste-t-il ?
M. T. : avant, on parlait de « dresseur », mais ce terme revêt désormais une connotation péjorative et renvoie à la notion de contrainte. Il n’est plus adapté, d’où l’appellation de « coach animalier ».
Chez Dog Trainer, on forme le trait d’union entre le metteur en scène ou le réalisateur et l’animal. On doit comprendre ce que le metteur en scène ou le réalisateur attend, et le retranscrire dans le langage du chien pour qu’il puisse jouer le rôle souhaité.
© Dog Trainer
Kodi est la tête d’affiche du film « Le Procès du chien », de Laetitia Dosch, qui a remporté la Palm Dog Woopets 2024. Quelle est son histoire et comment est-il devenu acteur ?
Juliette Roux-Merveille (J. R.-M.) : Kodi a rejoint Dog Trainer avec moi en 2017. Titulaire d’une licence d’audiovisuel, je rêvais de travailler avec des chiens pour le cinéma. J’ai eu la chance de rencontrer une dresseuse, Mélanie Poux, qui m’a donné des conseils pour choisir le compagnon à 4 pattes qui me suivrait dans cette aventure.
Au refuge de la SPA de Narbonne (que je marraine), j’ai adopté Kodi, alors âgé de 2 ans, récupéré par la fourrière. Avant d’entrer dans la compagnie, je lui ai appris des tours. Une fois intégré à l’équipe de Dog Trainer, il a suivi la même formation que les autres. Il a commencé par jouer dans des spectacles, puis dans des films, dont Le Procès du chien.
Jusqu’à ses 3 ans, Kodi était très immature ! [Rires.] Toujours content, il a gardé un côté « grand enfant », mais on sent que c’est un chien ayant vécu dans la rue et manqué de nourriture. Il adore jouer de manière crue, ce qui nous a d’ailleurs servi pour tourner une scène de bagarre dans le film de Laetitia Dosch.
© Laura F. Photographie
Braquons nos projecteurs sur les coulisses du « Procès du chien ». Quelle était la relation entre Kodi et Laetitia Dosch, qui réalise le film et incarne le rôle principal ?
J. R.-M. : c’est la première fois qu’on travaille avec un réalisateur/acteur qui s’implique autant dans la préparation du chien. En règle générale, on arrive à avoir une journée de rencontre avant le tournage entre les comédiens et le chien pour qu’ils fassent connaissance. À l’écran, on peut donner l’illusion que le chien est attaché à un acteur, mais c’est toujours mieux quand cela se fait réellement et qu’ils s’apprécient.
Avec Laetitia Dosch, on s’est vu une dizaine de fois avant le tournage. Elle est tout de suite devenue fan de Kodi. Lors de leur rencontre, elle a photographié chaque tour qu’il savait exécuter avec un petit polaroid et a recouvert un mur avec les photos. Cela lui a permis de retravailler le rôle de son personnage canin en fonction de Kodi.
Laetitia était très impliquée, et Kodi l’aimait beaucoup. Tous les regards qu’il lui porte dans le film reflètent une affection véritable.
© Juliette Roux-Merveille
Quelle a été votre méthode de travail lors du tournage ? Comment avez-vous garanti le bien-être de l’animal ?
M. T. : 80 % de notre travail pour assurer le bien-être de l’animal s’effectue avant de tourner avec les acteurs. On prend le temps de le former durant 2 à 3 ans (la durée dépend du chien, ainsi que de l’objectif), et d’associer le tournage à une expérience positive. Mieux l’animal est préparé en amont, plus il le vivra bien.
Afin que le chien puisse se détendre et se reposer, on définit toujours un emplacement dédié à sa tranquillité sur les plateaux de tournage (comme une loge). On fait en sorte qu’il soit appelé au dernier moment pour filmer une séquence, le temps que les acteurs répètent et que les techniciens effectuent leurs réglages.
Chez Dog Trainer, on s’intéresse particulièrement à l’éthologie (étude scientifique du comportement animal). On met nos connaissances à jour, on reste dans l’ouverture et on se remet en question quand il le faut. On est conscient que les chiens n’ont jamais demandé à devenir des acteurs. Par contre, on fait de notre mieux avec notre savoir actuel pour qu’ils vivent de la meilleure manière possible et assurer leur bien-être.
Aujourd’hui, on vit avec 11 chiens, parmi lesquels certains sont des séniors. À partir du moment où on a travaillé ensemble, on leur assure une bonne retraite à nos côtés (il en va de même avec nos oies et nos moutons).
J. R.-M. : nos chiens mènent une vraie vie de chien, et ne « travaillent » pas toute la journée. Ils ont droit à 2 ou 3 heures de balade quotidienne dans la nature, profitent d’activités masticatoires, bénéficient de séances de jeu, dorment dans un panier douillet... Ce sont des chiens comme les autres, mais avec un « hobby » en plus.
© Dog Trainer
Le tournage du film a dû vous laisser de nombreux souvenirs ! Avez-vous une petite anecdote, incluant Kodi, à nous partager ?
J. R.-M. : c’est une anecdote que Laetitia aime raconter. Le film contient plusieurs séquences dans lesquelles le chien doit hurler à la mort, mais Kodi ne savait pas le faire. Nous avons cherché divers moyens et testé plusieurs choses jusqu’à ce que nous mettions le doigt sur ce qui déclenche ce cri chez Kodi. Chaque fois que le chien hurle dans le film, il faut m’imaginer cachée dans un coin… en train d’imiter un chaton affamé !
En tant que coachs animaliers pour le cinéma, que pensez-vous d’un événement comme la Palm Dog Woopets ?
M. T. : C’est super d’avoir un événement qui promeut la reconnaissance de l’animal. Toutes les considérations, ne serait-ce que la manière dont Laetitia a abordé le film et traité Kodi lors du tournage, font écho aux valeurs de Dog Trainer. Elle a même été jusqu’à mettre le nom de Kodi sur l’affiche !
J. R.-M. : c’est intéressant et novateur de récompenser des acteurs canins à l’instar des acteurs humains. Kodi s’est investi au même titre que les autres comédiens. Et s’il n’y avait pas de chien, le film ne se tiendrait pas. Par ailleurs, l’événement ainsi que l'œuvre de Laetitia Dosch permettent de soulever des questions sérieuses : quelle est la place du chien dans notre société et dans un festival comme celui de Cannes ?
Pour la petite anecdote, nous avons appris la veille du Festival de Cannes que Kodi n’avait pas le droit de participer au photocall avec l’équipe du film. La présence de Messi [vainqueur de la Palm Dog Woopets 2023] a suscité des réflexions, notamment sur son bien-être. Concrètement aucun signe de stress n'était visible à l'image, l'avis du journaliste montre une certaine méconnaissance du sujet et devient alors purement subjectif. Messi comme Kodi sont professionnels et préparés pour ces situations afin qu'ils les vivent positivement. Nous avons trouvé dommage que le Festival balaye le passage des animaux, comme si c’était accessoire…
© Soraya Ursine / Woopets
Plus d’infos sur dogtrainer.fr.
Par Joséphine Voisart
Rédactrice Web
Après avoir suivi des études de lettres, Joséphine est devenue rédactrice web. Édition, lecture, écriture, animaux... Ce florilège de passions l’a fait tomber dans les pattes de Woopets ! Sensible à la cause animale, Joséphine a adopté une chatte répondant au nom d'Anthéa dans un refuge de sa région ; ainsi qu'une chienne, Lizzy, qui a vécu une vie de misère en Roumanie avant de rejoindre son foyer.
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