Peut-on interdire la détention d’un animal dans un local d'habitation ?
Les animaux vivent auprès de nous et partagent notre vie, notre foyer. Ils ont un rôle fondamentalement sentimental, commençant notamment par être les premiers amis et confidents des enfants. Il leur arrive même de prendre la place d’un enfant de la famille. Par conséquent, un lien fort unit l’Homme aux animaux et est consacré par l’article L.214-2 alinéa 1 du Code rural et de la pêche maritime.
Cet alinéa 1 dispose : « Tout homme a le droit de détenir des animaux dans les conditions définies à l’article L. 214-3, sous réserve des droits des tiers et des exigences de la sécurité et de l’hygiène publique et des dispositions de la loi n°76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ».
Ce lien fort est protégé par l'article 10-1 I de la loi n°70-598 du 9 juillet 1970, modifiant et complétant la loi du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel, prévoit que: " I - Sauf dans les contrats de location saisonnière de meublés de tourisme, est réputée non écrite toute stipulation tendant à interdire la détention d'un animal dans un local d'habitation dans la mesure où elle concerne un animal familier. Cette détention est toutefois subordonnée au fait que ledit animal ne cause aucun dégât à l'immeuble ni aucun trouble de jouissance aux occupants de celui-ci. Est licite la stipulation tendant à interdire la détention d'un chien appartenant à la première catégorie mentionnée à l'article L. 211-12 du code rural et de la pêche maritime. »
A l’époque, ce texte était assez révolutionnaire. En effet, alors même qu’en 1970 l’animal était considéré comme une chose, le législateur a mis en exergue le fait que la détention d’un animal ne peut pas dépendre de la volonté du bailleur, ce qui marque l’importance du lien fort unissant l’animal à son détenteur. Il s’agit d’un droit à la présence de l’animal comme l’a indiqué le Professeur Jean-Pierre Marguénaud dès 1987.
Néanmoins des questions se posent : est-il possible d’interdire la présence d’un animal dans un local d’habitation ? Sommes-nous limités dans le choix de notre animal ?
Est-il possible d’interdire la présence d’un animal dans un local d’habitation ?
Il convient de préciser qu’aucune définition du local d’habitation n’a été donnée par le législateur. Mais il existe une certitude, depuis la loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives du 22 mars 2012, les propriétaires de locaux meublés de tourisme peuvent interdire la présence des animaux. Encore faut-il que cette exclusion soit stipulée dans le contrat.
De plus, la Cour d’appel de Paris est venue préciser ce que l’on entend par local d’habitation pour les immeubles en copropriété. Sont à exclure les parties communes et la loge : « La présence du chat dans la loge doit être analysée comme une violation du règlement de copropriété au même titre que sa divagation dans les parties communes » (Paris, pôle 4, ch. 9, 22 mars 2012).
Par conséquent le droit à la présence de l’animal n’existe pas pour les locaux meublés de tourisme, la loge et les parties communes des immeubles en copropriété. Ainsi ce droit diffère selon la qualification juridique du local d’habitation. Ce n’est évidemment pas le cas pour les propriétaires de maisons individuelles.
Sommes-nous limités dans le choix de notre animal ?
En ce qui concerne le choix de l’animal, une réponse positive s’impose puisque le texte ne vise que les animaux familiers, éliminant de fait les animaux sauvages. Ainsi le choix doit se faire parmi les animaux domestiques.
Néanmoins l’utilisation de l’expression « animal familier » est problématique, car cette dernière n’est pas celle usuellement utilisée telles celles d’animal de compagnie et d’animal domestique. Il n’y a pas lieu de relever un sens particulier à « animal familier » ; le texte datant des années 70, à cette période, le langage courant utilisait plus facilement cette expression à la place de celle d’animal domestique.
On peut noter qu’en 2012, date de l’intégration de l’exception concernant les locaux meublés de tourisme, aucune modification n’a eu lieu. Il est toujours question d’ « animal familier ». Certes, ce n’était pas l’objectif de loi n°2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, mais une clarification du vocabulaire utilisé aurait été bienvenue. Néanmoins, laisser l’expression « animal familier » semble accroître la liberté dans le choix de l’animal, ce dernier pouvant être apprivoisé ou tenu en captivité sous couvert évidemment de respecter la règlementation en vigueur concernant les différentes autorisations administratives à détenir.
Il convient donc de revenir sur la définition de l’animal afin de savoir lequel a le droit de rester avec nous dans nos habitations.
Certaines définitions mettent en exergue le fait que l’animal vit à la maison alors que d’autres mettent plus en avant la relation forte unissant l’homme à son animal. La première définition des animaux domestiques a été donnée par la Cour de cassation le 14 mars 1861 : ce sont « les êtres animés qui vivent, s’élèvent, sont nourris, se reproduisent sous le toit de l’homme et par ses soins ». La Cour de cassation est revenue sur cette définition, dans un arrêt du 16 février 1895, l’animal domestique est celui qui vit « sous la surveillance de l’homme ».
On constate que la notion de domicile, présente dans la première définition, ne l’est plus dans la seconde. Des textes juridiques sont ensuite intervenus. La définition donnée par la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie (STE 125 du 13 novembre 1987) est la suivante : « On entend par animal de compagnie tout animal détenu ou destiné à être détenu par l’homme dans son foyer, pour son agrément et en tant que compagnon ». En droit interne, le Code rural et de la pêche maritime, en son article L.214-6 I dispose : « On entend par animal tout animal détenu ou destiné à être détenu par l’homme pour son agrément ». Ainsi les deux textes mettent également l’accent sur le lien fort unissant l’animal à l’homme sans pour autant que la convention oublie la notion de foyer. Ce qui corrobore l’idée qu’il ne faut pas prendre en compte uniquement la définition de l’animal de compagnie.
En effet, dans le groupe des animaux domestiques, des distinctions sont à faire entre les animaux de compagnie, les animaux de rente et les animaux apprivoisés ou tenus en captivité : les animaux de compagnie ne sont donc pas les seuls à prendre en compte puisque tous les animaux domestiques peuvent vivre dans nos foyers sous couvert de respecter la réglementation en vigueur.
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Néanmoins une exception s’impose au propriétaire des chiens de catégorie 1. En effet, selon l’article 3 de la loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, le bailleur peut interdire la présence des chiens de 1ère catégorie à savoir les chiens d’attaque. Ainsi leur présence est en soi illégale.
En conclusion
Même s’il existe des exceptions, la prise en compte de l’animal dans nos foyers est réelle. Finalement il importe peu de savoir si le bon mot a été utilisé pour qualifier l’animal aimé (pour reprendre une expression du Professeur Jean-Pierre Marguénaud), seul compte le fait que l’animal en question est détenu dans des conditions respectant sa qualité d’être vivant doué de sensibilité et cela nous ne pouvons pas toujours le savoir.
Par Lalia Andasmas
Juriste droit animalier
Juriste spécialisée en droit animalier
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