L'anorexie chez le lapin
Le lapin de compagnie est bel et bien un patient comme les autres, attachant et fragile à la fois, il peut désormais recevoir la crème des soins vétérinaires depuis que la prise en charge médicale s’est structurée et spécialisée aux nouveaux animaux de compagnie. Comme tout lagomorphe, ce compagnon qui se nourrit plus fréquemment la nuit, par petits épisodes, ne peut pas rester longtemps sans manger.
Toute anorexie de plus de 12 heures ne sera pas dénuée de conséquences sur son état de santé. Que se cache-t-il vraiment derrière une perte d’appétit prolongée, est-ce tout simplement un problème de dents ? Pour quelles raisons faut-il rester vigilant ?
Tout changement dans son mode de vie est source de stress
Le régime alimentaire herbivore de votre lapin en fait un petit être délicat, qui nécessite de trouver le juste équilibre entre ses apports en foin, en herbes riches en protéines, en aliments prêts à l’emploi comme les granulés ou en légumes et fruits frais dont il raffole. Tout est question de transition alimentaire, de saison et de quantités. Considérer pleinement les habitudes alimentaires de votre lapin et son hygiène de vie est essentiel, car son système digestif est assez particulier, sa digestion très rapide et un rien, peut très vite le perturber.
Renseignez donc vous bien sûr ce qu’il aime manger lorsque vous l’accueillez chez vous afin de modifier très lentement et progressivement les aliments que vous lui réservez. N’oublions pas que ce caecotrophe, a besoin de collecter et ingérer ses crottes molles plutôt la nuit, riches en vitamines B, pour compléter son équilibre alimentaire. Il est bon de lui laisser l’accès à ces éléments essentiels et veiller à ne pas les nettoyer systématiquement.
Sensible aux moindres changements dans votre environnement comme le bruit, les travaux, l’arrivée d’un nouvel animal, votre absence inhabituelle, un changement de température brutal, un déménagement…le stress a des conséquences rapides sur le confort digestif de votre lapin, se traduisant soit par de la boulimie (obésité), soit par un refus de manger. Voici donc 2 origines fréquentes à la perte d’appétit qui, si elles ne sont pas très vite identifiées, vont laisser place à un cercle vicieux : la baisse d’appétit ayant des complications sur l’organisme et qui, à leur tour, provoquent des maladies qui amplifient et aggravent l’anorexie.
Les complications d’une perte d’appétit
Dans la nature, les lapins ont pour habitude de se nourrir de manière intermittente, un peu en journée et souvent du crépuscule à l’aube. Les signaux qui doivent vous alerter sont les suivants : soit une baisse d’appétit du fait d’un désintêt pour toute nourriture depuis plus de 12h, soit une absence de crottes en journée (celles qui ne sont pas ingérées), soit des difficultés à accéder ou à ingérer la nourriture du fait de la compétition d’un autre lapin ou d’une gêne dans sa gueule.
Dès lors que votre lapin ne mange plus, certaines complications vont vite devenir préoccupantes pour cette espèce, comme l’arrêt du transit complet ou une diminution de l’activité intestinale, l’hypoglycémie ou une lipidose hépatique. Une hospitalisation sans plus tarder est légitime pour d’une part rechercher la cause principale du manque d’appétit ou des difficultés à manger, mais également pour faciliter une reprise du transit, de la réhydratation et de l’alimentation, assistée par l’équipe vétérinaire, telle une réanimation médicale.
Les problèmes dentaires sont-ils fréquents ?
La dentition du lapin est très particulière, adaptée à son régime herbivore, avec des commissures de lèvres très étroites et des germes particuliers du fait de l’ingestion de ses crottes. De ce fait, toute malposition dentaire, traumatisme ou l’absence d’usure des dents par manque de foin et d’herbes en quantités suffisantes peuvent vite se compliquer. Les pathologies dentaires dont les abcès constituent l’une des causes les plus fréquentes d’anorexie, à l’origine de douleurs et sont généralement identifiées au cours de l’examen clinique.
Cet examen nécessitera d’une part une légère sédation, souvent par inhalation pour détendre votre lapin, d’autre part l’utilisation d’un otoscope pour explorer complètement et méticuleusement toute sa bouche. La surveillance régulière et des soins dentaires de qualité sont toujours conseillés avant de se retrouver face à un épisode d’anorexie qui justifierait alors une hospitalisation.
Corps étrangers ou intoxication, y penser !
Petit lapin explorateur, souvent en liberté dans un enclos adapté ou dans votre appartement, il lui arrive de s’intéresser à d’autres objets ou plantes qui ne lui sont pas toujours conseillés. On observe ainsi des corps étrangers comme des morceaux de pailles, de foin ou de tissus qui peuvent rester bloqués entre les dents, derrière la langue…et des ingestions de plantes toxiques, coquelicot, bouton d’or, digitale… ou de plantes alimentaires qui sont parfois moins adaptées comme le mélilot (petit trèfle jaune), de plantes pas assez correctement lavées…
Un des premiers signes observés dans ce cas est souvent une perte d’appétit, parfois accompagnée d’une salivation et d’un abattement général, avant de laisser place à un tableau clinique plus complexe qui évoque alors rapidement celui d’une infection ou une intoxication.
Le signe d’une maladie générale plus sérieuse
Derrière un manque d’appétit se cache bien souvent autre chose qu’un simple problème de dents ou une gêne à la préhension des aliments. C’est souvent au cours d’un examen plus complet, avec des bilans sanguins, urinaires, radiographiques et une auscultation-palpation que l’on détecte alors les prémices d’une maladie systémique et qui affecte l’état général de votre lapin. Par conséquent, il est recommandé d’hospitaliser votre lapin au moins pour la surveillance initiale, la stabilisation de son état avec réhydratation veineuse, alimentation assistée, l’administration de traitements anti-douleur et la recherche de la cause de son anorexie.
Les avantages d’une hospitalisation dépendent beaucoup de la qualité des installations disponibles pour cette espèce et du temps qui peut être investi dans les soins. Vous pouvez aider l’équipe de soins à plusieurs niveaux :
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- en lui relatant tous les évènements qui auraient pu avoir un impact sur la bonne santé de votre lapin ;
- en proposant les aliments préférés et habituels de votre lapin pour faciliter sa reprise alimentaire au plus vite ;
- en venant avec son « compagnon lapin » si toutefois la séparation peut générer plus de stress au cours de l’hospitalisation ;
- en venant une fois que l’état est stabilisé, participer à des séances d’alimentation fréquentes à des heures où le lapin a besoin de manger plus fréquemment, soit le soir, soit tôt le matin, selon les habitudes de l’équipe médicale.
L’hospitalisation est fortement conseillée et le retour de votre lapin à la maison est à différer tant qu’il n’a pas été stabilisé, que l’origine de sa maladie n’a pas été déterminée, que son traitement n’a pas été lancé et que sa reprise alimentaire n’est pas rassurante. En effet, un retour trop rapide pourrait masquer des complications, des récidives de perte d’appétit et surtout vous empêcher de détecter certains signes d’une éventuelle détérioration. Avec une bonne prise en charge médicale, rapide et adaptée tant dans le traitement que dans le temps nécessaire à la récupération, les problèmes de votre lapin connaîtront très souvent une issue positive.
Par Dr Corinne Lesaine
Docteur Vétérinaire
Diplômée de l’Ecole Nationale des Services vétérinaires (ENSV) de Vetagro Sup en protection animale (de la science au droit) en 2018, après une thèse de doctorat vétérinaire sur la protection du chien en 1995 (Oniris). Professionnelle vétérinaire et passionnée par les sciences, la nature, la santé, la protection et le bien-être animal, je propose mes services de conseils en communication scientifique et mon expérience comme rédacteur spécialisée vétérinaire avec de nombreuses publications professionnelles à mon actif sur la santé, la nutrition, la médiation et la protection animale.
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